Ils se prénomment Erzulie, Baron Samedi, Cousin Zaka, Ogou Feray… Ils sont des lwas en créole, des esprits du panthéon vaudou. Ils sont des ponts entre le monde réel et invisible, entre les humains et le Bondye.
L’importance des croyances vaudou pour les esclaves déportés vers le “Nouveau-Monde”
Bien que le Vaudou est une religion monothéiste, ses adeptes estiment que le Bondye, l’Etre Suprême, est inaccessible à ses créatures et ne peut-être sollicité directement. Par suite, les pratiquants vénèrent des esprits jugés plus accessibles, dénommés en créole “Lwas” ou “Loas” ou “Zang” (les “Anges”). Les Lwas sont classifiés en deux groupes principaux: ceux du rite Rada, les Lwas blancs symbolisent la douceur et la bonté; ceux du rite Petro, les lwas “chauds” ou “rouges” sont des esprits vaudou vindicatifs et meurtriers.
En Haïti, le pays le plus pauvre du continent américain, la pratique religieuse, qu’elle soit catholique, protestante ou vaudou, fleurit partout. Croire en Dieu est considéré comme un remède pour soulager le poids de l’existence humaine, le poids des fléaux qui frappent régulièrement Haïti.
Il y a plusieurs siècles, des centaines de milliers d’Africains furent emmenés comme esclave dans la colonie française du Nouveau-Monde, appelée alors Saint-Domingue, pour travailler dans les plantations. La majorité d’entre-eux venaient de côte de Guinée en Afrique de l’Ouest et étaient des pratiquants vaudou.
De façon féroce, le système de l’esclavage interdisait aux esclaves de pratiquer leurs anciens rites africains. Les esclavagistes percevaient la survivance de ces systèmes de croyance dans le Nouveau-Monde comme une menace, en ce qu’elle encourageait chez les esclaves un sentiment d’appartenance communautaire et patriotique susceptible de diffuser la révolte contre leurs maîtres. Par suite, les esclaves étaient contraints de dissimuler leur culte rendu aux Lwas comme un culte rendu aux esprits saints catholiques dans un processus de syncrétisme.
Chaque année en juillet, des milliers d’Haïtiens de l’ensemble du pays et de la diaspora servent les Lwas vaudou et les Saints catholiques et reçoivent des bains de chance. L’alliance entre nudité et ferveur religieuse peut surprendre. Pour le serviteur du lwa, le bain débarrasse de la déveine.
Les vaudouïsants se baignent dans une chute pour rendre culte à Erzulie, l’esprit de l’amour et de la protection maternelle
Du 14 au 16 juillet, dans les chutes sacrées de Saut-d’Eau ou Ville-Bonheur au centre d’Haïti,
des milliers d’Haïtiens prennent des bains de chance. Les catholiques rendent culte à la Vierge Marie dont ils croient à une apparition près d’une chute d’eau au siècle dernier. Les vodouïsants se recueillent dans la même chute pour louer Ezili, le lwa aquatique de l’amour protecteur maternel et Dambala, le lwa de la paix.
Certains sont en transe, le danse-lwa. Des cierges sont déposés entre les racines d’arbres-reposoirs, demeures des lwas.
A la Plaine du Nord, les pèlerins rendent culte à Papa Ogoun Feray, le lwa de la guerre
Puis du 23 au 25 juillet, les pèlerins se rendent à la Plaine du Nord,
plus au nord dans le pays. Les pèlerins catholiques honorent Saint-Jacques le Sauveur. Les Vaudouïsants louent Papa Ogou Feray, le lwa de la guerre et de la virilité, symbole du combat contre la misère et inspirateur de la révolte des esclaves contre les colons français. Ses adeptes prennent des bains de boue et sacrifient des animaux.
J’ai ainsi assisté impuissante au sacrifice d’un taureau noir, muselé et pleurant, recouvert d’un drapeau français.
La mise à mort très cruelle de ce pauvre animal est un symbole frappant dans un pays où les esclaves se sont auto-libérés du joug colonial français il y a déjà plus de deux cent ans. Cela en dit long sur la colère persistante des descendants des esclaves contre l’ancien pouvoir colonial.
Avec une foi renouvelée et un état d’esprit apaisé, les croyants concluent leur pèlerinage à la ville de bord de mer de Limonade
Puis, le 25 juillet, les pèlerins se rendent en camion à Bord de Mer de Limonade,
pas loin de là, pour célébrer le Lwa Philomène/Philomise et le Saint catholique Saint-Philomène. Jouant le rôle d’un intercesseur, prêtres et prêtresses vaudou ou Hougans et Mambos exécutent des rituels de communication entre les croyants et les Lwas. Les pèlerins purifient leur corps et leur esprit dans les eaux de l’Atlantique.
Avec une foi renouvelée et un état d’esprit apaisé, les croyants concluent leur pèlerinage à la ville de bord de mer de Limonade.