La foi musulmane est partout: les rues de Conakry fourmillent de gens attendant l’appel à la prière de Tabaski par le Muezzin
Je parcours avec Kanséréba les ruelles de son quartier à Dixinn, sur la rive nord de la péninsule de Conakry. Bientôt va commencer la prière de rupture du jeun de l’Aid El Fitr, plus communément appelée « Tabaski » en Afrique de l’Ouest, qui marque la fin du mois sacré du jeun du Ramadan.
Dans ce quartier la mosquée est trop petite pour accueillir les nombreux fidèles. Patiemment les gens installent leurs tapis de prières dans la rue. Les femmes sont rangées d’un côté de la rue. Elles sont vêtues de vêtements traditionnels colorés, parfois panachés avec des hijabs noirs, ou bien carrément vêtues tout de noir. De l’autre côté, se tiennent alignés les hommes vêtus de leur plus beaux habits traditionnels, notamment en tissu damassé de bazin. Quelques-uns portent des robes de prières. Un banc sépare les hommes des femmes.
Des enfants espiègles, trop petits pour prier, ne parviennent pas à troubler les prières de leur mère. A quelques pas de là, des moutons se repaissent à proximité de la voie ferrée sur laquelle circulent d’énormes wagons remplis de bauxite rouge. L’ambiance est à la fête même si la hausse des cours du mouton a obligé de nombreuses familles à se serrer encore un peu plus la ceinture. La foi est demeurée à son niveau le plus haut.
La prière se termine. Les fidèles conversent gaiement avant de se retrouver un peu plus tard pour le sacrifice du mouton et le partage du repas. Les enfants arborent fièrement leurs cadeaux avec leurs étiquettes, gage de leur caractère neuf.
Malgré des tensions ethniques et religieuses sporadiques, le pays jouit d’une relative coexistence pacifique des religions
La Guinée est une République laïque où la foi est omniprésente. La majorité de la population pratique l’Islam (85%) contre 10% de chrétiens et 5% d’animistes. Cependant les croyances animistes imprègnent dans une forme de syncrétisme les autres communautés religieuses.
Les mariages mixtes entre groupes religieux et ethniques en Guinée sont courants et de nombreux Guinéens ont une ascendance mixte. Le pays jouit d’une relative coexistence pacifique des religions. Cependant, des affrontements religieux et interethniques éclatent régulièrement sur fond de conflits entre éleveurs et agriculteurs, notamment en Région forestière.
S’agissant de la foi chrétienne, le catholicisme ne constituerait que 2,5 % des pratiques religieuses, au côté d’autres églises chrétiennes protestantes et anglicanes. Il est également rapporté une percée des sectes évangéliques.
Le développement de l’Islam wahhabite s’est accompagné par un essor de la radicalisation religieuse
S’agissant de l’Islam largement majoritaire, le soufisme traditionnel et mystique de la confrérie des tidjanes, encore pratiqué en Guinée rurale, est en déclin. Il est peu à peu concurrencé, à l’instar de Conakry, par d’autres offres religieuses, parfois plus rigoristes, venues de l’extérieur comme le chiisme iranien ou le wahhabisme saoudien.
Le Wahhabisme procure à ses fidèle une nouvelle manne financière attractive dans un pays où sévit la pauvreté. Son succès repose aussi sur la démocratisation de l’accès à l’imamat, notamment dans les communautés religieuses peules organisées traditionnellement en castes.
Ce phénomène s’est accompagné d’une poussée de la radicalisation religieuse et du prosélytisme dans certains quartiers de la capitale Conakry mais aussi à l’intérieur du pays.
Lors de notre rencontre en 2016, le grand Imam de Conakry, Elhadj Mamadou Saliou Camara, jugeait non approprié le terme « soufisme » pour désigner la tradition musulmane en Guinée tout en se gardant de commenter l’essor du wahhabisme en Guinée.
Les Guinéens solidaires avec la France au lendemain des attaques contre Charlie Hebdo
Le grand Imam de Conakry, Elhadj Mamadou Saliou Camara, a aussi régulièrement et publiquement condamné les attentats islamistes à l’étranger. La majorité des Guinéens rejette la violence salafiste. A l’instar du président Alpha Condé, les Guinéens ont marché dans les rues de Conakry début janvier 2015 pour exprimer leur peine après l’attentat contre Charlie Hebdo en France.