C’est en lisant le Roi de Kahel de Thierno Monemembo que naquit ma quête d’exploration de la Guinée. Ce roman valut à son auteur le prix Renaudot en 2008. Il relate la quête dans la deuxième partie du 19ème siècle par un explorateur francais, Aimé Olivier de Sanderval, d’un petit royaume de 20 km de long, Kahel, sur une partie des terres du royaume théocratique peul du Fouta-Djallo en Afrique de l’Ouest. L’aventurier aurait aussi contribué à édifier la future capitale du pays, Conakry.
Des paysages à couper le souffle, entre végétation exubérante et imposants massifs montagneux.
Le roman donne lieu à des regards croisés décalés et drolatiques entre cet excentrique voyageur, convaincu d’apporter avec lui le progrès européen, mais semble t-il parfois perçu comme un rustre par ses raffinés hôtes peuls. Le roman décrit des paysages à couper le souffle, entre végétation exubérante et imposants massifs montagneux.
L’annexion par la France du Fouta-Djalon et d’autres régions adjacentes donnera naissance à la Guinée sous administration coloniale. Finalement, le pays gagna pacifiquement son indépendance à la suite d’un référendum organisé par la France en 1958. Cela conduira Sékou Touré, leader de l’indépendance et premier président de la République de Guinée, à formuler sa célèbre phrase : « la Guinée préfère la pauvreté dans la liberté plutôt que la richesse dans l’esclavage ».
Une mosaïque d’ethnies et d’écosystèmes
La construction du pays s’est accompagnée d’une mosaïque d’ethnies et d’écosystèmes. L’affiliation réelle ou supposée à un groupe ethnique spécifique est complexe comme en témoigne les mariages mixtes largement répandus.
Après des décennies de régime autocratique, la consolidation démocratique de ce pays d’Afrique de l’Ouest a constamment été confrontée à des défis. Des tensions animent régulièrement le pays. Les élections sont souvent marquées par de violentes manifestations et le recours excessif à la force par les forces de sécurité.
La Guinée est régulièrement confrontée à une forte polarisation ethno-politique.
Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, mais doté d’une des populations les plus pauvres au monde
Souvent décrit comme le Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, le pays est pourvu d’immenses réserves minières. Il est ainsi le second exportateur mondial de bauxite.
Cependant, sa population est l’une de celle au monde qui souffre le plus de pauvreté.
Les dégradations environnementales croissantes menacent aussi sa richesse faunique et florale.
De 2014 à 2016, une épidémie d’Ebola sans précédent a frappé la Guinée, avec des conséquences tant aux plans sanitaire, politique, social et sécuritaire. Des travaux scientifiques estiment qu’en raison des chances croissantes d’interaction entre l’homme et l’animal que celle-ci a favorisé, la déforestation continue dans le pays a largement contribué à la dissémination du virus de l’animal à l’homme dans la région.
Le pays demeure une source continue d’inspiration, d’émerveillement et de rêveries.
Mais au-delà de cette dure réalité, la Guinée pour qui veut bien s’y attarder quelques semaines voire quelques années, est une source continue d’inspiration et d’émerveillement.
Lorsque j’ai arpenté le Fouta Djalon avec Hassan Bah, guide espiègle et chaleureux, les descriptions du « Roi de Kahel » me sont revenues avec précision.
J’ai ainsi été frappée par la majesté au clair de lune de l’immense Kouratier surplombant la terrasse d’un hôtel touristique à Dalaba.
Comme l’écrit Diallo Boubacar, « Le kouratier est un arbre aux vertus multiples qui donne ses fruits à manger, son ombre, du bois mort, des médicaments traditionnels et, aussi, des récits féeriques » (Contes de la brousse, de la forêt, de la savane et de la montagne).
J’ai eu le souffle coupé à la vue des chutes de Kambadaga ou des falaises de Doucki dans les hauteurs du Fouta-Djalon, en Moyenne-Guinée, des marais salants arborés de palmiers ou d’un transporteur routier traversant une rivière par bac dans la zone côtière de Boffa, de vieux manguiers bordant un chemin sur les îles de Loos, d’anciennes possessions anglaises, ou du port de pêche artisanale de Boulbinet à Conakry, au coucher du soleil, ou de la forêt primaire de Guinée forestière.
Sillonner la Guinée, c’est avant tout une rencontre avec des gens ordinaires mais admirables
Mais parcourir la Guinée, c’est avant tout une rencontre avec des gens ordinaires, résilients et touchants :
- Une mère allaitant son enfant avec l’aide de son aïeule dans un village traditionnel Baga de la région de Boffa, en Basse-Guinée,
- Un couple d’amoureux admirant le coucher du soleil sur la plage de Conakry,
- Une jeune femme revenant du marché avec son bébé sur le dos à Kankan en Haute-Guinée,
- Des gens rentrant chez eux tranquillement à la lueur du soir à N’Zérékoré en Guinée forestière,
- Des femmes guinéennes Baga vêtues légèrement mais avec élégance se reposant après leur bain en Basse-Guinée,
- Une famille musulmane se préparant à une cérémonie de baptême d’un bébé à Macenta en Guinée forestière,
- Cette petite file peule portant une planche de bois sur laquelle est inscrite des versets du Coran au Fouta-Djalon en Moyenne Guinée,
- Et bien d’autres encore.